Eros chevauchant la panthère : amour et mariage vus par les religions du monde.

Par Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz

« Savons-nous vraiment ce que signifie amour ? Très souvent nous avons une idée de sentimental, de doux sentiments. (…) L’époque moderne, - compte tenu de sa dimension, de son côté inquiétant et plus violent - , se doit d’être beaucoup plus imaginatif sur ce sujet, que ce qui se fait actuellement »  dit Romano Guardini.

Notre compréhension des choses de l’amour ne serait-elle pas trop molle?Amour et mariage ne sont pas tant compris comme deux personnes vivant ensemble en harmonie qu’était d’origine divine.

D’un point de vue intellectuel et religieux, amour et mariage ont toujours été associés avec créativité et continuité des choses terrestres. La relation romantique n’est pas au premier plan. C’est très visible dans la tradition indienne, où l’endogamie est encore très fréquente. Dans l’épopée nordique, c’est décrit : ils se marièrent et l’amour naquit ». Notre approche du « moi et toi » est un concept récent et très individualiste.

Dans l’hindouisme aussi, l’acte sexuel dans le mariage est un acte sacré. Le mariage dure trois jours, et ce n’est que le troisième jour que le fiancé s’approche de sa fiancée. De nombreuses bénédictions religieuses précèdent ce moment.

La rencontre érotique est interprétée dans de nombreux tantras asiatiques comme la suite et la stabilisation d’un tout début du monde. Ici aussi une couple ne se marie pas à cause d’un amour privé et de ses expressions, mais pour contribuer à la création du monde. Le mariage signifie création du monde.

Il ne s’agit donc pas prioritairement de désir ou de satisfaction de besoins, mais plutôt de la cohésion du monde. Cette coopération sacrée est un parallèle clair avec le sacrement du mariage dans la Chrétienté. C’est parce qu’ »Eros chevauche une panthère » (ainsi décrit par les Grecs) que cela doit être nécessairement placé dans l’espace du sacré.

La vie n’est pas constituée de forces harmonieuses. Les mythes des différentes cultures montrent une opposition polaire entre l’homme et la femme. Ces forces se complètent, mais sont clairement différentes et ainsi pré-disposées à des tâches séparées. Le Yin et le Yang dans la philosophie de Lao-Tse sont aussi la claire expression de ce phénomène. La femme est un mystère auquel l’homme se confronte en utilisant toute son énergie. De plus, elle est émotive et a donc une certaine tendance à la confusion. Elle le met à l’épreuve et il la libère. La femme devient uniquement épouse et mère par l’homme. L’homme devient uniquement époux et père par la femme.

Cela nécessite plus de courage d’aller vers le sexe opposé que vers le sien. Et cette rencontre est en même temps l’expression d’une tension divine. Afin de surmonter la tension il faut être chaste au sens originel du terme, parce que chaste vient de « conscius, conscience ». Devenir chaste signifie donc d’être capable de diriger sa propre énergie consciemment au lieu de se laisser mener par elle.

Une relation signifie aussi que l’on est attiré par quelqu’un vers quelque chose et que l’on se sent tiré hors de soi-même. On reconnaît dans toutes les grandes traditions l’interaction entre l’homme et la femme en même temps que leur opposition. La bipolarité est nécessaire pour faire bouger les choses, pour les faire avancer. Les sexes polaires fonctionnent selon le principe de la clé pour la serrure . Deux clés ne peuvent fermer quelque chose elles-mêmes ; deux serrures ne peuvent être ouvertes en étant approchées l’une de l’autre. Il n’y a pas de dualité dans la similitude ; il n’y a de la dualité que dans l’opposition. Ceux qui dénient l’autre, dénient la vie. La vie et la joie sont dans l’Autre.