Chers amis,

« L’état du monde dépend de l’état de ses hommes de foi. » C’est ce qu’affirme le théologien de renom Ludwig Weimer dans son texte pour l’Europe pour le Christ. À la suite de notre dernière lettre pour l’Europe, nous souhaiterions partager avec vous ces quelques pensées sur le paysage spirituel de notre continent.

Profitons de ce temps de la Pentecôte pour prier tout particulièrement pour l’Europe.

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Votre équipe Europe4Christ à Vienne.

 

Le Testament du Christ dans l’Évangile selon St Jean, chap. 17

 

Les racines de l’Europe remontent à Athènes, à Rome et à Jérusalem. Athènes et Rome ont apporté la pensée et l’avancée technique; Jérusalem le Credo, l’espérance des premières communautés chrétiennes grâce à la foi dans le royaume de Dieu, le Salut et l’avènement d’un temps où l’amour fraternel serait rétabli. En quoi est-ce que les dernières paroles du Christ dans l’Évangile selon Saint Jean contribuent-elles aux fondations européennes ? Au sens strict, c’est l’évangéliste Jean qui s’adresse à nous. C’est lui qui livre le testament du Seigneur aux générations de chrétiens à venir. Et ce testament nous emporte dans un appel urgent des hommes de Dieu à demeurer dans l’unité. Jean distingue clairement les disciples du Christ des hommes du monde, tout en inscrivant dans le monde la mission à accomplir par ces mêmes disciples. L’état du monde dépend des l’état de ses hommes de foi.

 

Détestés du monde puisque « vous n’êtes pas du monde »

« Le monde » fait ici référence au monde de péché des européens. La duperie, la violence et la sexualité déterminent les fondations d’une société. Ainsi dans la mythologie: Zeus déguisé en taureau kidnappe Europe, la guerre de Troie trouve ses fondements dans la volonté de posséder Hélène (George Steiner). Le « monde », dit Saint Jean, n’a pas reconnu Dieu parce qu’il abuse de la liberté qu’il est accordé à l’homme. Cette vérité cruelle est la richesse de l’expérience de la sagesse Judéo-chrétienne. Le corrélât est d’être « sanctifié par la Vérité » (Jean 17,19) ou par « la foi et la raison » (Pape Benoît XVI). Israel, Jésus et les apôtres ont accepté la volonté de Dieu et cette alternative. Comment est-ce que les déchirements intrinsèques à la Création peuvent-ils être guéris lorsque les justes et les croyants sont une telle minorité ?

 

« Je les ai envoyés dans le monde »

Comment une minorité pourrait-elle compenser avec le reste d’une si vaste société ? Visualisez une de ces anciennes balances à plateaux: d’un côté vous avez la petite communauté chrétienne, de l’autre vous avez tout le poids du monde. Mais c’est la bonne qualité, c’est-à-dire le poids de notre Chrétienté - Jésus l’appelait le sel, le levain, la cité sur la montagne - qui nous rend, nous Chrétiens, capables de préserver l’équilibre nécessaire au salut dans notre coin du monde ou de la société. Cela est rendu possible par notre témoignage, en nous dédiant complètement dans chacun des aspects de notre vie et de nos compétences et en démontrant ainsi que nos vies peuvent être cohérentes, justes et belles. On pourrait appeler cela la nouvelle évangélisation par la fascination. Il n’y a même pas besoin de grande campagne missionnaire. Les choses belles et extraordinaires attirent naturellement. Il s’agit dès lors d’attirer notre prochain par sa curiosité et sa soif de nobles idéaux.

 

« Qu’ils soient uns »

Quand le Christ s’adresse aux disciples en leur disant «vous», ils s’adresse bel et bien à un pouvoir de communauté. Ils ne sont pas des égoïstes isolés. Ils ont compris leur mission comme instruments de Dieu dans le monde. Ils doivent continuer le travail du Christ au nom de leur communauté chrétienne. Ce réseau d’hommes de Dieu, formés par des communautés individuelles, a pour but de couvrir les villes, les pays et les continents; ainsi, si une minorité est impuissante, l’ensemble est efficace grâce à l’amour et à la vérité. Martin Buber parle de « communautés mi-unies »: nos périphéries ne sont que des entités sociales, c’est notre rayon géométrique vers un centre commun qui fait de nous une communauté au sens propre. Quel est ce centre ? Nous sommes tous unis par notre expérience personnelle avec Dieu. Le testament du Christ en nomme les fruits: la joie de l’amour de Dieu, l’abondance et la gloire. Dieu a deux bras et de mains de façon à pouvoir travailler dans son monde: son Esprit-Saint et son fils Jésus-Christ. Cependant, le Christ mort sur la Croix a besoin de fidèles disciples. Nous sommes ses instruments, ses serviteurs, ses paroisses, le lieu où son Esprit est à l’oeuvre.

 

Le Christ seul peut prier pour l’unité

Dans le monde, le dispersement est naturel, l’unité miraculeuse. Le monde qui ne parvient pas à trouver la paix a besoin du témoignage des chrétiens. « Afin que le monde reconnaisse ... afin que le monde croie». C’est la prière que présent le Christ à son père : « Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que tu m'as donnés ». C’est une prière réaliste et rationnelle. Dieu a besoin de ses collaborateurs et il n’en trouve qu’une petite minorité. Cependant, ils sont en nombre suffisant, si et seulement si ils parviennent à éviter les divisions. Quand on pense aux schismes, nous oublions souvent la séparation primitive des Chrétiens et des Juifs. C’était « le schisme primitif » (Cardinal Walter Kasper). Cela signifie que les Chrétiens ne sont pas les seuls héritiers à la place des Juifs, mais que nous nous sommes séparés de nos racines juives. L’alliance rompue entre Dieu et les Juifs devrait être notre toute première priorité dans le dialogue oeucuménique. Parce qu’il s’agit là de l’alliance pour laquelle le Christ prie. C’est un scandale, que le Fils de Dieu lui-même ne puisse pas mener à bien la réunification du peuple choisi par Dieu. Même le Christ ne peut que prier pour cela.

Ceux qui prient aspirent à l’unité avec la volonté de Dieu. La prière est le travail de Dieu sur le coeur humain: elle devrait reconnaître les souhaits de Dieu et s’y conformer. C’est le commencement et la condition d’une vie juste et d’une action qui ne pourra pas être vaine.

 

Professeur Dr. Ludwig Weimer enseigne à l’Université Pontificale du Latran à Rome à la Chaire de « Théologie du Peuple de Dieu » (www.ltvg.org).